Dans la pénombre, un homme arqué, en déséquilibre constant tant et si bien qu'il semble prêt à sombrer. D'abord murés dans le silence, l'homme et son ombre se détachent du toit du silo qui fait office de décor. Le comédien qui personnifie Georg Trakl fera toute son allocution dans une lueur blafarde et bleutée, un long monologue crépusculaire empreint de silences. Il titube comme un funambule, pantin désaxé tandis que le rythme des mots, hypnotique, transforme le spectateur en somnambule qui avance sans réfléchir dans le texte. La voix est chevrotante, les genoux fléchissent comme la prose. « Les étoiles s'allumèrent sur sa détresse muette », détresse partagée par certains spectateurs qui n'ont pas lu la notice. Régy campe habilement sous le masque de la folie ce Pierrot lunaire. Un monologue aux accents mystiques et un texte dont la poésie tient plutôt des élucubrations d'un homme drogué ou d'un aliéné dans « le silence épris de folie ». Au-delà de l'exaltation et de ces thèmes chrétiens et des obsessions de l'auteur (inceste, viol, meurtre, anges et démons, maison en ruine et yeux pierreux de la soeur adultère), le récit ne présente qu'un fil ténu le rattachant à une certaine réalité, éloignée un instant du monde poétique. Entre rêve et folie, un art brut qui n'a que le poids des mots assenés à la ronde. Le messager, investi d'une mission par Régy, est sans conteste maître de sa performance, dont la froideur est enveloppante.
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